Tollé contre la réforme structurelle prévue pour la prévoyance professionnelle

Le 19 mars 2010, le Parlement adoptait la réforme structurelle de la prévoyance professionnelle (loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité, LPP). Sa mise en Å“uvre nécessite la modification de deux ordonnances, celle sur la surveillance dans la prévoyance professionnelle (OPP 1) et celle sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité (OPP 2), ainsi que la création d'une nouvelle ordonnance, celle sur les fondations de placement (OFP). Fin novembre 2010, les modifications prévues ont été publiées et la procédure de consultation a été lancée. Cette dernière est à présent terminée.

Augmentation massive des coûts pour les institutions de prévoyance

Les ordonnances concernant la réforme structurelle suscitent tout particulièrement la grogne auprès des fondations de placement. Le nouveau concept conduit dans différents domaines à une discrimination importante des fondations de placement ce qui n'est pas dans l'intérêt des investisseurs qualifiés, pense la Conférence des Administrateurs de Fondations de Placement (KGAST) concernant le projet d'ordonnance sur les fondations de placement.
 
Nombreux sont ceux qui ne voient qu'un exercice bureaucratique derrière les nouvelles dispositions de surveillance. En effet, la création d'une instance de surveillance renchérirait fortement le deuxième pilier et l'alourdirait encore plus. La Chambre suisse des Actuaires-Conseils (CAC) juge par exemple que les frais prévus pour l'organe de surveillance suprême sont disproportionnés. Le fait que cet organe suprême soit en mesure d'éviter les scandales en matière d'investissement est largement mis en doute. Il se trouve en effet que la surveillance est trop éloignée des institutions de prévoyance. Dans la pratique, il est possible de contourner des dispositions. Découvrir des escroqueries dans la prévoyance professionnelle réalisées avec l'argent des assurés est la tâche des experts des caisses de pension ou de la révision interne, critiquent de nombreuses voix. Ces spécialistes sont nettement plus proches des responsables des caisses de pension que toute autorité de surveillance pourrait l'être.

Gain d'importance pour l'organe de révision

La réforme structurelle renforce également des dispositions relatives à la gouvernance et à la transparence dans la LPP. La nouvelle proposition de loi règle les compétences et responsabilités des différents organes, notamment celles de l'organe de direction suprême d'une institution de prévoyance. Certains pensent qu'en renforçant les organes de direction, le législateur a tenté de contribuer à un regain de confiance dans le deuxième pilier. Cette intention est néanmoins anéantie par le projet de loi présenté.

L'intégrité et la loyauté de toutes les personnes chargées de l'administration d'une institution de prévoyance ou de ses fonds sont désormais soumises à des exigences concrètes. Ainsi, l'organe de révision doit vérifier par sondage et sous l'aspect du risque l'exactitude des indications publiées concernant les liens d'intérêt et les avantages financiers reçus. Dans certains cas, l'organe peut, pour vérifier l'exactitude des données, demander à chacune des personnes concernées de communiquer sa situation de fortune. Selon la Chambre fiduciaire, cette tâche ne doit pas être attribuée à l'organe de révision. Par ailleurs, tout contrôle par sondage, aussi raffiné soit-il, ne présente qu'une garantie minime.

Les tâches et la responsabilité de l'organe de révision se trouvent nettement élargies. L'Association suisse des institutions de prévoyance (ASIP) déclare que la responsabilité pour le respect des dispositions légales et réglementaires incombe clairement à l'organe suprême d'une institution de prévoyance. Cette tâche ne peut être assumée par l'organe de révision. Celui-ci ne peut en aucun cas surveiller l'organe suprême.

Caisses de pension propres aux entreprises en danger

Les nouvelles propositions d'ordonnance affaiblissent tellement la position de l'organe paritaire de gestion qu'il n'est plus intéressant d'occuper une telle position, disent les critiques. Il est d'ailleurs difficile d'imaginer que les employeurs soient satisfaits des nouvelles règlementations. Les nouvelles ordonnances contiennent une telle densité de règles qu'elles conduiront à d'importants frais supplémentaires au sein des institutions de prévoyance. Les petites et moyennes entreprises qui disposaient de propres caisses de pension au profit de leurs collaborateurs se retrouveraient nettement sous pression, pensent les experts. De nombreuses entreprises seront forcées de se poser la question si l'importante charge occasionnée par les rapports complets à remettre à l'autorité de surveillance est supportable si les revenus sont réduits par les dépenses plus élevées. La caisse de pension Schindler recommande de remettre la révision des OPP 1 et OPP 2 sur l'ouvrage et de reporter son entrée en vigueur d'une année au moins. Elle suppose que la commission de la LPP n'a pas pu collaborer activement à ce paquet de réforme. Il semble bien plus que des technocrates de l'Office fédéral des Assurances sociales aient décidé de leur propre chef de faire fi de toutes les recommandations de la Commission de la LPP.

Interdiction d'exercer pour certains gérants de fortune

La nouvelle ordonnance OPP 2 édite également des exigences plus élevées envers la direction et la gestion de fortune. Ainsi, seuls les gestionnaires de fortune soumis à la surveillance de la FINMA seront autorisés à exercer en tant que gestionnaires de fortune externes. Concrètement cela englobe les banques, les négociants en valeurs mobilières, les sociétés de direction de fonds, les gestionnaires de fortune de placements collectifs de capitaux suisses et les assurances mais laisse de côté les gestionnaires de fortune indépendants. Pour tous ceux dont l'activité principale était jusqu'ici de gérer des avoirs de prévoyance cela équivaut à une interdiction technique d'exercer et donc à une exclusion du marché. Dès que le Conseil fédéral aura pris sa décision définitive, ils n'auront même plus le temps de résilier les contrats de leurs employés dans les délais impartis pour la fin du modèle d'affaires. La FINMA ne compte faire aucune exception et a besoin de neuf à dix-huit mois pour accepter par exemple une demande d'autorisation pour un gestionnaire de fonds. Sans chiffre d'affaires aucun gestionnaire de fortune n'est en mesure de survivre durant ce laps de temps. L'Association Suisse des Gérants de Fortune (ASG) explique que ces volumes seraient alors libérés pour être gérés par les banques et les assurances.

Protectionnisme sur le dos des assurés

A l'avenir, le transfert de la gestion de fortune à des entreprises sises à l'étranger doit être limité à des cas isolés. Il est prévu que tous les contrats de gestion de fortune conclus entre des caisses de pension et des gérants de fortune étrangers soient soumis au droit suisse à l'avenir. Le for judiciaire serait la Suisse. Les critiques pensent que cette disposition constitue une source importante de conflits étant donné que de nombreuses caisses de pension collaborent avec des gérants de fortune étrangers ou utilisent des fonds de placement étrangers soumis à un droit étranger. Il existe de nombreuses explications à cette situation. Les connaisseurs de la branche estiment que le nombre de spécialistes sur sol suisse n'est plus suffisant pour la grande variété de placements. De nombreuses caisses de pension font notamment des appels d'offre à l'étranger pour faire jouer la concurrence et réduire les frais. Si elles devaient désormais se rabattre sur des prestataires suisses, il en résulterait une augmentation des coûts dommageables en fin de compte pour les assurés.