Liberty News - Le contrat entre générations se fissure

Le vieillissement des sociétés se poursuit à un rythme soutenu. Les systèmes des retraites du monde entier sont sous pression. Un changement de mentalité est nécessaire. Selon les experts, la réévaluation du travail par la société est une variable d'ajustement essentielle.

La pandémie Corona a entraîné un recul de l'espérance de vie dans de nombreux pays; dans quelques-uns, on a même pu enregistrer un petit baby-boom. Il ne s'agit toutefois que d'une interruption à court terme de la tendance au vieillissement de la société, qui se poursuit et s'accélère, comme le montre le rapport de dépendance global: D'ici 2050, il devrait passer de 15.1% aujourd'hui à 26.3% ; en 2019, on prévoyait une augmentation à «seulement» 25.3%. «Les données les plus récentes provenant par exemple de Chine, de Corée ou d'Italie indiquent une nouvelle accélération du changement démographique», explique Michaela Grimm, co-auteur du 'Allianz Global Pension Report 2023'. Et elle poursuit: «Le nombre de naissances, en particulier, évolue moins bien que prévu, malgré tous les efforts de la politique familiale. Mais il ne sert à rien de se lamenter, nous devons regarder les choses en face: Le contrat entre générations est devenu fragile. Ce sont justement les jeunes générations Y et Z qui sont appelées à assurer elles-mêmes davantage leur retraite. La vérité qui dérange est la suivante: elles devront travailler plus longtemps et épargner davantage et de manière plus ciblée».

L'Allianz Global Pension Report analyse 75 régimes de retraite dans le monde entier à l'aide de son propre 'indice Allianz Pension' (API). L'indicateur se compose de trois piliers: Analyse de la situation démographique et fiscale de départ, détermination de la durabilité (p. ex. financement et durée de cotisation) et de l'adéquation (p. ex. degré de diffusion et montant de la rente) du système de retraite. Au total, 40 paramètres sont pris en compte, avec des valeurs allant de 1 (très bon) à 7 (très mauvais). La somme pondérée de tous les paramètres cristallise l'évaluation de chaque système en une note globale.

Le travail sur le chantier des rentes n'avance pas

La note globale non pondérée pour tous les systèmes de retraite examinés s'élève à 3.6: à peine plus satisfaisant. Par rapport au dernier rapport de 2020, il s'agit d'une légère amélioration. Pour les experts d'Allianz, cela n'est guère surprenant: après la Corona, la guerre et la crise énergétique, la marge de manœuvre fiscale de la grande majorité des pays s'est encore considérablement réduite. D'un autre côté, ils trouvent cela très décevant: la nécessité de réformer les rentes n'est pas contestée, mais la rhétorique n'est que rarement suivie d'actions concrètes - le travail sur le chantier des rentes n'avance pas.

En fait, seuls quelques pays - comme la France ou la Chine - sont parvenus à améliorer sensiblement leur score grâce à des réformes. «La France incarne presque de manière exemplaire le dilemme politique de telles réformes, car elles renversent l'économie politique habituelle: Au lieu de distribuer des bienfaits aujourd'hui en échange d'impositions plus tard, elles exigent des impositions aujourd'hui afin d'éviter des coupes ultérieures», expliquent les experts. Et ils continuent: «Les quelques systèmes de rente qui s'en sortent bien aujourd'hui, notamment le Danemark, les Pays-Bas et la Suède avec une note globale nettement inférieure à 3, ont donc aussi une chose en commun: ils ont posé très tôt les jalons de la durabilité, à une époque où la bombe démographique faisait encore doucement tic-tac». Selon les experts, ils peuvent donc être considérés comme un modèle pour de nombreux pays en développement qui disposent eux aussi encore d'une fenêtre d'opportunité pour stabiliser leurs systèmes de rente. «Dans de nombreux autres pays, en revanche, il sera difficile d'y parvenir sans des réformes douloureuses», concluent-ils.

Un changement de mentalité s'impose

Outre les détails techniques, comme le montant et la durée des cotisations, il existe, selon les experts d'Allianz, une variable d'ajustement centrale pour des systèmes de rente durables et adaptés: la valeur sociale du travail. Ensuite, l'automatisation, la numérisation et l'intelligence artificielle permettent un accès universel à la formation et donc de nouveaux concepts de travail. «La résolution de la séparation rigide entre activité professionnelle et retraite n'est actuellement donnée qu'à quelques privilégiés. Le système de rente du futur commence par repenser le monde de la formation et du travail pour tous», explique Ludovic Subran, chef économiste chez Allianz.

La Suisse se situe dans la moyenne

Avec une note globale de 3.1, le système de rente suisse se situe dans la moyenne supérieure. Au vu des perspectives démographiques - le taux de dépendance des personnes âgées atteindra 50.9% d'ici 2050 - il n'y a toutefois pas de place pour l'autosatisfaction. Il faut notamment continuer à renforcer la durabilité du système. «Des cotisations plus élevées et surtout des âges de retraite plus élevés ne devraient pas être tabous; après tout, les retraités suisses pourront passer près de 25 ans à la retraite à l'avenir», ajoute Subran.

La prévoyance vieillesse suisse reste confrontée à de grands défis

«Même après la réforme de l'AVS, la prévoyance vieillesse en Suisse est confrontée à de grands défis. La révision prévue de la LPP est impérative pour renforcer l'attractivité du modèle de prévoyance et garantir sa stabilité à long terme; d'autres pays ont réalisé des progrès nettement plus rapides», explique Monika Behr, responsable Vie et membre de la direction d'Allianz Suisse. Selon elle, il est justement urgent de mettre un terme à la redistribution des actifs vers les retraités, dans un souci d'équité entre les générations. Et elle ajoute: «Avec une meilleure prise en compte de la situation des personnes travaillant à temps partiel dans la LPP, ce sont des points essentiels qui doivent être résolus».